Collaboration - Richard Strauss - Stefan Zweig - Théâtre de la Madeleine



Hugo von Hoffmannsthal
le librettiste attitré du Chevalier à la Rose
de la Femme sans ombre
vient de mourir en 1929
Richard Strauss inconsolable
se tourne alors vers Stefan Zweig
pour continuer à composer ses opéras


les premières rencontres sont toutes conventionnelles
les premières séquences de la pièce Collaboration
seront donc de petites partitions domestiques
chacun trouve en l'autre un jeu de miroir honorifique
l'accession de Hitler au pouvoir
va chambouler la parfaite harmonie
que les deux collaborateurs semblaient avoir trouvée


ils avaient même conçu un opéra 

dont le livret sera achevé par Joseph Gregor
au titre étrangement naïf en 1936 : Jour de Paix
qui sera l'un des opéras les plus joués
sous le IIIème Reich


l'intrigue Jour de Paix parait prémonitoire :

face à un monde lancé dans une guerre sans fin
un couple choisit de se donner la mort
il y aura toujours une guerre quelque part


Richard Strauss se montre plus qu'ambigüe
en acceptant un poste
de Président de la chambre de musique du Reich dès 1933
en composant un hymne olympique
pour les Jeux de Berlin en 1936
plus tard il composera aussi une musique
pour les festivités  célébrant les 2600 ans du Japon impérial
allié de l'Allemagne
"le public n'existe que quand il a payé le prix fort"


la pièce est indulgente avec Richard Strauss
à aucun moment il ne semble avoir envisagé de quitter l'Allemagne
ce qui lui fut interdit ensuite par les Nazis
des Fritz Lang ou Marlène Dietrich étaient partis
Richard Strauss se pensait assez fort pour résister
néanmoins il maintient sa collaboration avec Stefan Zweig
allant même jusqu'à éxiger et obtenir de rétablir
le nom du librettiste juif sur l'affiche
de l'opéra la Femme silencieuse
mais qui ne sera représenté que 3 fois à Dresde en 1935


Stefan Zweig n'avait pas les traits si mondains

que lui donne avec grâce Pierre Santini
il disait fuir les mondanités
et s'y prêtait par faiblesse
ou pour accompagner sa femme


Stefan Zweig accepte en 1936
une invitation de voyage au Brésil
il gagnera ensuite Londres
pour retourner au Brésil
où avec sa compagne
le couple décidera en 1942 de se suicider


un homme se tue
un couple se tue
ils tuent un homme
ils tuent une femme
ils tuent des enfants
encore 1
encore 1
il en restera un autre
encore un autre
encore 1
et après
et après...


je serai plus sage que vous Monseigneur



avec autant de drames
la pièce Collaboration ne trouve qu'assez peu
d'intensité poignante
certains aspects sont laissés en filigrane
typically so british peut-être
Michel Aumont pourtant très solide jusque là
laisse Richard Strauss quasi pleurer sur son sort
alors qu'avant de mourir
le compositeur accouche du panthéon de l'art lyrique
avec ses Vier Letzte Lieder
qui dernière ironie du sort
seront créés à Londres 9 mois après sa mort
une transfiguration


une photo d'un Richard Strauss enthousiaste
serrant la main de Goebbels
a déjà laissé couler beaucoup d'encre
Richard Strauss aurait eu à protéger son propre fils
marié à une femme juive


sa pâte sonore épousait si bien les grandeurs
d'une race qui se voulait supérieure
pourtant depuis Icare
toute élévation au niveau des dieux
finit par une chute retentissante
et l'histoire ne fait que se répêter


tout ce qui nous est précieux
est pour eux $an$ valeur
à chaque génération
ses nouvelles victimes sacrificielles
aujourd'hui des morts libérales
des cadavres sur lesquels ils pourront continuer de s'a$$eoir
avec conscience
en évitant ruine de l'âme


pas d'autre choix
que de trouver ce que nous sommes ...



Richard Strauss serrant la main de Goebbels