je n'ai jamais écrit pour le théâtre,
je n'y ai jamais été qu'un spectateur parmi les spectateurs,
l'homme qui ne sait que faire de son programme,
le roule, le pose à terre, quand il n'a pas oublié de l'acheter
et tourne une tête inquiète vers les ouvreuses qui n'en ont plus...
l'homme qui reste sur son fauteuil à l'entracte,
les gens lui marchent sur les pieds.
j'ai toujours été étranger à ce trafic de la chair et de l'âme humaine
qui fait du comédien le siège des pensées d'autrui, de ses maladies, ses vices
Le théâtre, pour un homme de théâtre, j'entends aussi bien l'acteur que le dramaturge,
est nécessairement tout autre chose
que ce qu'il est pour qui n'en a qu'une vue de spectateur.
Et si j'ai, ainsi, sur le théâtre ce regard extérieur nécessairement nous ne parlons pas de la même chose
l'homme de théâtre et moi
quand nous disons le Théâtre.
l'homme de théâtre et moi
quand nous disons le Théâtre.
D'autant que ma vie à moi est d'écrire.
Non pour le théâtre, c'est-à-dire un milieu qui existe, en dehors de moi.
Mais pour un théâtre de moi, d'en moi.
Où je suis tout, l'auteur, l'acteur, la scène,
Où je suis tout, l'auteur, l'acteur, la scène,
où je ne vends rien à personne,
je suis mon propre et seul interlocuteur.
je suis mon propre et seul interlocuteur.
Qu'on entende bien que, lorsque je dis le théâtre,
le Théâtre est le nom que je donne au lieu intérieur en moi
où je situe mes songes et mes mensonges.
Il faudrait tout relire de ce point de vue. Ou tout déchirer.
Tout, j'entends par là aussi bien ce qui est attribué à l'acteur
que ce dont j'avoue être l'auteur
moi, si j'étais metteur en scène,
et il pourrait n'y avoir ni scène ni spectateurs ni comédiens...
je ne discute ici qu'avec mon ombre, ou même pas,
étant mon ombre, après tout !
c'est à dire peignant les trottoirs et les murs toujours de ma semblance,
et mes pas ne sont que l'écho de ma présence...
moi, si j'étais le metteur en scène, à la façon des dieux...
si j'étais celui qui dispose à la fois de l'apparence et de l'âme,
des lieux et du temps, du signe et la chose signifiée,
de l'acteur et du spectateur, de l'apparence et du langage,
si j'étais le thaumaturge d'un univers passager
où de moi seul dépendent la paix et la guerre, la vie et la mort apparentes,
les cris et le silence, le rire ou le sanglot, ou pour mieux dire d'un seul coup,
sans y rien opposer, le sens de ce qui se joue
ou se déjoue, à pile ou face, ma propre existence...
et celle du monde où j'évolue, notre destin,
et ne criez pas de ce mot,
car tout théâtre s'écrit d'abord et finalement aussi bien en termes et destinées,
que la pièce soit d'une foule de chair et de sang,
ou d'un seul homme et son ombre
si j'étais, moi, metteur en scène,
chaque soir j'organiserais dans la pièce
chaque soir j'organiserais dans la pièce
un accident pour en changer la signification,
en désorganiser la portée sociale,
rendre indispensable l'ouverture d'une enquête judiciaire,
atteindre par là l'opinion aux quatre coins du pays,
faire un événement national
de ce qui n'était que la représentation d'une histoire privée...
enfin jeter le désordre dans l'esprit du spectateur
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