Tabac Rouge - James Thiérrée - Théâtre de la Ville



Année 2025
la Planète Bobo a explosé
de par son arrogance
de par sa suffisance

je le désigne avec gêne
il est l'heure de rétrécir les phrases

Nietzsche avait mis en garde
simple piqure suffit à faire éclater tout orgueil mal édifié
noir prozac  noir lexomil et lunettes noires  tu ingurgiteras
le Meua est partout en ce maux ment

Aristote estimait l'homme comme le seul animal
à se comporter de façon mimétique

les articles tout universitaires de Bergson n'en font pas mention
la disparition du rire est pourtant bête et bien programmée en ce début de siècle
au profit de grognements primitifs

un spectateur se lève au bout d'à peine 10 minutes
une manie précoce dans ce théâtre de la Ville

un coup d'oeil au programme
eh oui
un spectacle de James Thiérrée
sans James Thiérrée
ses admiratrices vont être déçues
ça   c'est sûr
(1ère version de Tabac Rouge avec Denis Lavant)

un brouillon de spectacle
où le chorégraphe n'aurait gardé que des impros à peine développées
brutes
sans joliesse  sans maestria
juste une horde sauvage rescapée de la planète Bobo

l'histoire enseigne que les victimes sacrificielles ne leur suffisent pas
leurs remords finissent par en faire des divinités
l'appât   la convoitise   l'AAAvidité les font toujours se déchirer

le groupe se cherche un centre en Denis Lavant
alors dans cet univers foutraque
aux allures de vieux désordre
les images de films muets resurgissent dans les mémoires
et forcément aussi Léos Carax
et Caro et Jeunet
Enki Bilal
mais point de créature céleste

une horde revenue à une condition primitive
habillés de Noir forcément
si le vêtement est une clé de l'identité
quelle serait l'identité d'une planète
qui aurait perdu toute couleur au profit du Noir

la peur de parler leur a été inoculée
ils ont perdu la parole
ils ont perdu la pensée
ils ne savent plus que grogner
ils savent encore esquisser quelques mouvements de danse
côtoyant des survivances de génie robotique
si peu

des musiques baroques viendraient rappeler un monde parfait
parfaitement maniaque
accoucheur de sociétés totales
parfaitement totalitaires
les musiques du monde font crouler d'extase un Denis Lavant
sous des miroirs auto centrés

Il ne s'agit peut-être pas d'apprendre quelque chose
Mais de souffrir quelque chose
et passer par une épreuve 


toute la vie morale a cristallisé dans ce System
une attente qui se résout subitement en rien
tout était faux et paradoxale
ils veulent être aimés pour ce qu'ils sont
mais ils sont quoi
en dehors de bulles de savon dorées

quand règne la cupidité
quand partout règne le mal
quand partout règne l'AAAvidité
il faut bien être méchant

les Etats rétablissent l'ordre
par une série de purifications sacrificielles successives
jusqu'au jour où il faut liquider le passé honteux
il leur faut expier le crime initial
il leur faut expier les mensonges longtemps maintenus
qu'il leur faut un jour dégueuler

Tabac rouge est peut-être de ces spectacles qui dégueulent
pas assez 
et ce serait son défaut



devant le peu d'effets   le pas beaucoup   le presque rien
chaque spectateur sera renvoyé à son miroir culturel
son Beckett  son Brecht   son Docteur Caligari   son Fritz Lang
voire hélas son indulgent ennui
d'être resté plus que 10 minutes

je ne pourrai vivre dans le monde que vous offrez
il ignore le soleil qui brille
et l'air qu'on respire
il ignore l'amour et l'honneur

Noir
Noir $o chic
Noir $o fric
Noir $o anorexique

que parviens tu encore à voir dans ton noir


 

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